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Toolsinath Goolzar : un pinceau rebelle

Toolsinath Goolzar posant devant l’une de ses oeuvres.
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Il peint, sculpte, s’inspire d’autres artistes et crée dans la pénombre de sa chambre. Ses dreadlocks n’ont jamais été un frein à son activité. Portrait d’un artiste qui exprime ses émotions à travers ses mains et ses pinceaux.

L’art est pour lui une libération. Un moyen d’expression. Une palette d’émotions. Son style ? L’expressionnisme, la projection d’une subjectivité qui tend à déformer la réalité. Il n’hésite d’ailleurs pas à aller jusqu’à la distorsion des traits. Artisfari, Toolsinath Goolzar de son vrai nom, ne cherche pas à montrer le monde tel qu’il est, mais à l’exprimer. 

« Je veux avant tout exprimer des émotions sans recourir aux mots. Je ne représente rien directement », explique l’artiste et sculpteur de 24 ans dont les très longs dreadlocks ne passent pas inaperçus. Nommer, c’est figer l’émotion, l’emprisonner. L’art, au contraire, brise les barrières, abat les préjugés. 

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La femme créole

Artisfari en sait quelque chose. « Je m’appelle Toolsinath, un prénom hindou. Je suis le rastafarisme depuis huit ans et je suis rasta. Pour beaucoup, je suis intrigant. On essaie de deviner qui je suis. Alors que dans le monde de l’art, ce n’est pas un problème. Tout cela me dérange. Je n’ai de comptes à rendre à personne », martèle-t-il.

D’ailleurs, son nom d’artiste découle de ses passions : l’art et le rastafarisme (voir encadré). « Je ne voulais pas utiliser mon nom et ajouter ‘art’ à mes pages en ligne. En mélangeant l’art et le rastafarisme, Artisfari est né », explique l’habitant de Bon-Accueil.

Son premier contact avec l’art remonte à l’enfance, raconte-t-il. Comme beaucoup d’enfants, il passait son temps à griffonner dans un cahier. « Cela m’a toujours attiré. Petit à petit, j’ai constaté que j’avais un réel penchant pour l’art. Au fil du temps, je m’améliorais », dit Toolsinath Goolzar. 

C’est ainsi qu’après ses études secondaires, il entame une licence en art à l’université de Maurice et au MGI. « Je compte poursuivre un master et pourquoi pas un doctorat en art ailleurs », confie-t-il. 

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« Misconception » : Est-ce que se battre pour ses droits ou exprimer son opinion nous transforme en monstre ?

Grand admirateur de Michel-Ange, artiste et poète italien considéré comme l’une des figures les plus importantes et influentes de la Renaissance, Artisfari aime marier les couleurs dans ses œuvres. De tableau en tableau, on y trouve du jaune, du noir, différents tons de rouge et de gris. Une femme aux cheveux bouclés et au visage triste y est représentée. 

« En tant qu’artiste, je ne peux me limiter qu’à la sculpture. J’ai principalement travaillé dans ce domaine au cours de mes études. Dès que j’ai commencé, j’ai été captivé par tout ce qui est 3D... Pour ce tableau, la femme est pour moi un être précieux. Par ma propre expérience, j’ai vécu quelque chose de personnel. Je ne cherche pas à la dénigrer, bien au contraire. Je voulais montrer sa beauté », précise l’artiste, qui passe plus de huit heures dans sa chambre à créer. « Récemment, j’ai réalisé une sculpture qui évoque un être humain légèrement différent. Je me suis laissé porter par le surréalisme. Un serpent l’entoure », ajoute Artisfari.

C’est l’année dernière qu’il décide de se consacrer pleinement à l’art, encouragé par sa victoire au Sand Sculpture Festival organisé à Flic-en-Flac. S’il a pu participer à la Mauritius Arts Expo et à d’autres expositions à travers l’île, il concède néanmoins que trouver du travail dans ce domaine à Maurice est difficile. « Avant de m’adonner à temps plein à mon art, j’ai travaillé pendant quelque temps dans un centre d’appels. » 

Aujourd’hui, Artisfari dit recevoir quelques commandes par moments, « sans plus… » « À Maurice, c’est difficile de vivre de l’art. C’est une petite île et c’est dommage que beaucoup n’y accordent pas l’attention nécessaire », regrette-t-il.

D’aventures en mésaventures il n’est toutefois pas question pour lui de baisser les pinceaux. Chaque coup de pinceau, chaque mot non écrit qu’il transmet sur un tableau devient le fil conducteur de sa vie empreinte de passion et de liberté. « Je ne compte pas m’arrêter de sitôt. »

Inspiré par le mouvement rastafari 

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Le jeune homme est passionné par la musculation.

C’est durant ses études, en Higher School Certificate, que Toolsinath Goolzar s’est imprégné du mouvement rastafari. « Je m’intéressais déjà à cette culture, mais je n’avais pas encore de dreadlocks », dit-il.

À l’époque, il avait un projet scolaire. « J’étais introverti et il était indispensable que je rencontre des rastas. J’ai donc dû me documenter et je les ai approchés à Chamarel. Ils m’ont beaucoup inspiré », raconte le jeune homme qui est également féru de musculation.

Par la suite, Toolsinath Goolzar laisse pousser ses dreadlocks. « Cela fait huit ans que je n’ai pas coupé mes cheveux », admet le sculpteur.

Sa famille a d’abord eu du mal à embrasser son nouveau mode de vie. « Mes parents ont eu des difficultés à accepter mes dreadlocks. Nous avons traversé des périodes de conflits. C’était un sujet tabou », révèle l’ancien élève de l’école Bon Accueil RCA.

Il est néanmoins déterminé à vivre sa passion et sa famille accepte finalement son choix. Cependant, il avoue également faire face à certaines discriminations. « J’étais dans le bus pendant mes années d’études supérieures. Je m’asseyais sur un siège et il y avait une place libre. Le bus était bondé mais personne ne voulait s’asseoir à côté de moi. Pourtant, le receveur a bien dit qu’il y avait de la place à côté de moi », raconte-t-il.

S’il se soucie peu des opinions des autres et poursuit son chemin, il déplore toutefois certaines mentalités. « La société cantonne les rastas à une pratique et rien d’autre », regrette-t-il. Or, affirme-t-il, le rastafarisme fait un peu partie de chacun de nous. 

 

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